Le trente et quarante fit son apparition en France dès le xve siècle.
Les écrivains et les mémorialistes l'ont souvent évoqué, surtout au XVIIe siècle. Dans L'Avare, Frosine dit de Marianne à Harpagon : « Elle a une aversion horrible pour le jeu, ce qui n'est pas commun aux femmes d'aujourd'hui, et j'en sais une de nos quartiers qui a perdu, à trente et quarante, vingt mille francs cette année. » Exemple concret : chez le marquis de Ivivry, les fiches utilisées au jeu étaient comptées pour cent livres. Le comte de Belzunce, quand il perdait, s'emportait jusqu'à déchirer ses cartes à belles dents.
Même fortune au XVème siècle, puis au xixe, au cours duquel le trente et quarante, qui passait pour offrir de plus fortes chances de gain que la roulette, s'implanta à Monaco. Interdit en France pendant la première guerre mondiale, il y retrouva droit de cité en 1933.
Dostoïewsky le cite dans Le Joueur (1870), insinuant que les mises « égarées » ne reviennent pas toujours à leurs légitimes propriétaires.
C'est un jeu de casino qui peut être joué en société et où le nombre des joueurs est quelconque, à partir de deux.
Il exige des jetons, un tableau de mise et plusieurs jeux de 52 cartes : officiellement six (mais on peut se contenter de deux).
A chaque carte correspond une valeur en points : 10 pour chacune des figures, la valeur nominale pour les cartes blanches (l'As vaut 1 point).
Les jeux (dont les dos n'ont pas besoin d'être identiques) ayant été battus, on tire la donne ou l'on se met d'accord sur le joueur qui sera banquier au début : tous les autres seront pontes, c'est-à-dire qu'ils risqueront des jetons posés sur le tableau. Ces jetons sont soit ramassés par le banquier, soit payés à égalité.
Le coup de trente et quarante
Les enjeux étant placés par les pontes, le banquier tire les cartes et les étale devant lui de gauche à droite, en deux rangées successives. La première s'appelle « noir », la deuxième « rouge ».
Chacune de ces rangées s'arrête, lorsque le total de ses points a dépassé trente, mais n'a pas dépassé quarante. Dans ce jeu, c'est le total le moins élevé qui gagne.
Il y a couleur si la rangée gagnante est de la même couleur que la première carte de la rangée « noir ». Il y a inverse dans le cas contraire.
Par suite, un coup donnera un des quatre résultats suivants :
noir et couleur,
noir et inverse,
rouge et couleur,
rouge et inverse.
Les trois sortes de conclusions d'un coup
II y a coup normal lorsque les points de noir et de rouge sont différents ;
II y a égalité quand les deux rangées valent, l'une et l'autre, l'un quelconque des nombres suivants :
32 33 34 35 36 37 38 39 40
Ces neuf égalités annulent le coup ;
L'égalité à 31 prend le nom de refait. Tous les jetons exposés sont mis en prison, ce qui s'indique en poussant les jetons" à cheval sur les raies intérieures aux quatre cases :
losanges de noir et de rouge carré de couleur angle droit d'inverse.
Le ponte n'a plus le droit de retirer ses jetons : le coup suivant décidera de leur sort. (A ce coup, bien entendu, le ponte peut rajouter des jetons libres, non en prison.)
Après le refait, les jetons perdants sont ramassés par le banquier ; les jetons gagnants ne sont pas payés, mais redeviennent libres (le ponte peut en disposer derechef à sa guise).
En société, chacun est banquier à tour de rôle, car le banquier est nettement avantagé, grâce à la convention du refait : en jouant indéfiniment, son bénéfice serait certain, de même qu'un ponte qui jouerait indéfiniment serait sûr de se ruiner, quelles que soient la place et la valeur de ses mises. Ici, comme le nombre des coups joués est forcément petit, on constatera qu'en moyenne le banquier est un peu plus souvent en gain qu'en perte.
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